dimanche 26 octobre 2008

Salle Obscure

Il y a quelques semaines, face au tapage médiatique et aux "Quoi? T'as pas vu Valse avec Béchir" je me suis décidé à aller voir au cinéma le film en question, non sans avoir, il est vrai, un certain a priori totalement subjectif à juste titre.

Le film étant sorti depuis quelques mois, seule une dizaine de cinémas parisiens projetait encore le film d'Ari Folman.
Je me retrouve au cinéma Lincoln près des Champs-Elysées dans une belle salle de projection aux sièges rouges... seul dans la salle, ajoutant une sorte de solennité à ce moment de cinéma où je m'attendais à en prendre pour mon grade.

"Merde, me dis-je"
Le film a commencé. Je suis toujours seul dans la salle et personne d'autre ne viendra.

Esthétiquement, il s'agit d'un très beau film. La musique y est également sublime. Le film vu en version originale me permet de découvrir une belle langue ressuscitée, cousine de l'Arabe.
Il s'agit, à mon sens, d'un film portant beaucoup plus sur la société israélienne et de sa jeunesse face à la guerre. En gros, voila des gosses de 18 - 20 ans qui se retouvent au front sans trop savoir pour quelles raisons, partant presque la fleur au fusil à la guerre.
C'est un film sur la mémoire, ou sur l'oubli. Pour certains, il marque la fin de l'innocence Israélienne face aux massacres de Sabra et Chatila... pour ne pas lâcher le mot "complicité".
Dans un premier temps, je sortis de la salle obscure presque abasourdi par le film et content d'en avoir eu pour mon argent.
Et puis, j'ai pris un peu plus de recul... et cela m'a paru trop facile. Facile de dire qu'on ne savait pas, qu'on ne voyait pas, que les soldats de Tsahal n'étaient pas au courant, qu'il faisait nuit, que certaines choses étaient bizarres, qu'on a oublié, ou qu'on ne veut pas se souvenir.
Cela m'a également paru dangereux face à une opinion publique ignorant l'Histoire, encline à de rapides raccourcis et s'étonnant que la Palme d'Or à Cannes lui ait échappé.
Pourquoi seuls les autres doivent-ils supporter la responsabilité de ce massacre, la honte et la culpabilité? Pourquoi n'ont-ils jamais été tenus responsables par le reste du monde?
Il ne s'agissait pas du fait d'un seul homme, mais de toute une armée d'occupation venue nettoyer une terre et des hommes.
Une armée toujours occupante et un homme qui devint plus tard Premier Ministre, dans l'ouli général de ces hauts faits d'arme visiblement...
Sabra et Chatila n'empêcha pas Jénine ou Cana. Alors à quand un film sur Jénine et Cana?
La voici la responsabilité israélienne. Elle a constamment été vécue par procuration.
Et puis, je suis allé voir un film Palestinien: "Le Sel de la Mer", financé par la terre entière sauf par des fonds de "voisinage".

Je n'étais pas seul dans la salle.
Le film retrace le voyage d'une jeune femme palestinienne née aux Etats-Unis à la recherche de ses racines.

Dès son arrivée à l'aéroport de Tel-Aviv, les douanières blondes aux yeux clairs lui font ressentir qu'une brune à la peau mate et au nom arabe n'a rien à faire ici, malgré son passeport Américain.
Les check-points, les bouclages de territoire, les fouilles au corps, l'honteux mur "anti-terroriste", les couvre-feux... l'appartheid.

Il ne s'agit pas de clichés mais d'une réalité que l'on veut cacher, dont on ne parle plus ou avec une sémantique journalistique qui n'interpelle plus car devenue banale.

Il s'agit d'un film simple, montrant la vie quotidienne des Palestiniens à travers le voyage d'une femme sur la trace de sa maison familiale à Jaffa, dont même le nom n'existe plus.

Ce n'est pas un film triste, mais plein d'espoir et de nostalgie. Il y a de la colère sans haine, de la sincérité sans hypocrisie. De l'humanité et de la révolte.
Il ne s'agit pas d'un film sur la mémoire palestinienne. Il est difficile pour les Palestiniens de regarder le passé puisque le passé c'est encore le présent; que les massacres, les humiliations et les frustrations continuent.
Voilà pourquoi un film sur la mémoire israélienne des massacres de Sabra et Chatila me parait trop facile.
Parce que l'histoire de la Palestine ne se réduit pas seulement à Sabra et Chatila.

4 commentaires:

SIAMS a dit…

Je n'ai pas encore vu ce film et ne peux donc en parler. Ce que je n'accepterai jamais c'est l'impunité d'Israel pour Sabra et Chatila, Jénine et Cana. Comme tu le rappelles ici il y a eu beaucoup d'autres exactions quasi quotidiennes non ? As-tu vu "Les citronniers"....Dans un premier temps j'ai aimé mais en prenant du recul j'ai trouvé cela aussi un peu trop facile..je pense définitivement que l'on ne peut pas romancer ce conflit et toi ?

Anonyme a dit…

coucou JP,
j'ai aussi vu le film, mais je te trouve un peu trop partial. Le film montre bien aussi la culpabilité des Israéliens dans ce massacre ( le personnage finit par se souvenir à la fin qu'il avait fait partie des tireurs ). Mais il souligne aussi l'implication des Libanais ( enfin d'un parti ) et la déshumanisation de cette scène tellement cruelle et inimaginable... Il faut tout de même l'admettre, les Libanais ont leur part de responsabilité la dedans... J'étais aussi bouleversée et "high " que toi en sortant de la salle de ciné. J'arrivais pas trop à parler. Mais , aussi, avec du recul j'ai trouvé que le film avait , presque jusqu'au bout, très bien décrit le ressenti de ces soldats déportés un peu à l'arrache sur le sol Libanais pour aller tirer à droite à gauche. ( je pense que c'est vrai qu'ils sont arrivés sans savoir pourquoi ils étaient la, pour la plupart, pourquoi on leur faisait porter des armes et sans savoir ce quils allaient faire... un peu comme les américains en allant en Irak ou en Afghanistan ... ). Et à la fin du film, je trouve que le fait de revenir sur ce massacre et de donner une réponse à, oui ou non, le personnage principal a participé à la tuerie ou non, c'est donné sa récompense à un spectateur qui n'avait pas besoin de ca pour rester jusqu'au bout du film... Ca casse un peu le propos du film, qui a mon avis , concerne plus l'ambiance générale et le ressenti des soldats...

Anonyme a dit…

@ SIAMS
non je n'ai pas vu les citronniers. Mais j'ai découvert une des actrices principales dans "The Visitor"... pas mal du tout et très belle femme.

Au contraire, romancer le conflit permet d'en parler différemment, et d'en débattre. Le plus difficile étant tjs biensur de rester objectif et savoir aussi faire son auto-critique.

@ Raya
J'ai bien aimé le film. Ce que je regrette est l'amalgame qu'il peut susciter chez un spectateur non averti.

Le film raconte la culpabilité/mémoire/oubli d'UN israélien.
On en ressort en se disant, que TOUS les israéliens se sont sentis coupables.

Or, il me semble que c'est faux, car s'ils ressentaient vraiment une culpabilité, ils n'auraient pas porté Sharon au poste de Premier ministre alors qu'il avait été désigné responsable de ce massacre.

Bref, les Libanais ont au moins ce point commun avec les Israéliens: la mémoire courte.

Anonyme a dit…

tu as resume tout avec ta derniere phrase... on a tous la memoire courte...

bravo pour ton blog :) uen belle deccouverte! tu as bien fait de m'en parler ce soir!