mercredi 30 novembre 2011

Vu en vrac hors-saison

Du hublot de l'avion, l'île de Chypre avait toujours la même forme, celle d'un char d'assaut. Un nuage brunâtre enveloppait la ville à l'approche de la piste d'atterrissage, puis un beau ciel bleu au-dessus de la ville pendant ce séjour de quelques jours. Des militaires en arme et uniforme bleu, kaki, beige ou gris étaient à l'ombre d'oliviers plantés dans le parking de l'aéroport.

La vieille route de l'aéroport est toujours au milieu d'un Little Téhéran. Il y avait trop de voitures, de grues et de tours en construction; trop de drapeaux noirs et jaunes et des portraits d'hommes barbus sur des ponts à proximité du ring; plus assez de portraits de Samir Kassir sur les murs jaunes ocre de la ville. Le nouveau clocher en cours de construction de la cathédrale Saint-Georges veut rivaliser en hauteur avec le minaret de la mosquée voisine. Un vieil homme m'a tendu la main place Sassine pour l'aider à descendre quelques marches. Il ne m'a pas parlé, simplement regardé, tendu la main et nous nous étions compris.

En voyant la cour de récréation du Grand Lycée Franco-libanais, j'ai pensé que mes enfants pourraient y être scolarisés avec leurs cousins. Quel foutoir la sortie des écoles, mais quel sacré moment...

J'ai vu beaucoup de belles voitures, beaucoup d'épaves roulantes et de motocyclistes sans casques. Les feux de signalisation clignotent souvent à l'orange, les taxi-service ne sont plus forcément des vieilles Mercedes.
Beaucoup de femmes, les unes belles à la plastique naturelle, et les autres à la symétrie douteuse. Dans le lobby de l'Hôtel Phoenicia, des Golfiotes étaient accompagnés de prostitués. Peu de jeunes gens et beaucoup de personnes âgées. Au mariage auquel j'ai assisté, j'ai vu des femmes voilées et j'étais content de partager un repas avec elles. En rentrant ce cette fête, je remarquais qu'un nouveau parking avait remplacé une ancienne demeure de Tabaris. D'autres résistent encore, avec leurs persiennes vertes, bleues ou oranges.

Chaque matin, je remarquais que le nombre de pages de L'Orient-Le Jour diminuait; je ne vois plus la Revue du Liban dans les kiosques à journaux. J'en lisais toujours les blagues et les caricatures pas drôles de l'avant-dernière page. La énième tasse de Nescafé de Mam à moitié remplie refroidissait pour la énième fois. Pap est sur le balcon dans les nuages ou dans les nuages sur le balcon, je ne sais pas trop. Wardeh veut me faire petit-déjeûner, bruncher, déjeûner, souper et diner dès le réveil. Les téléviseurs sont constamment allumés, dans tous les foyers auxquels j'ai rendu visite.

Il y a toujours autant de Ferns à Achrafieh donnant ces goût et parfum de thym à la ville, mais le Fern Azar de la Rue Saint Louis a fermé boutique. Monsieur Azar, avec sa barbe grisonnante, ses images pieuses scotchées à sa caisse et son marcel, m'accueillait toujours avec un grand sourire et son français irréprochable.

J'ai vu que l'on portait des manteaux et des écharpes sans trop en comprendre la raison. J'ai vu que le temps passait trop vite quelle que soit la saison. J'ai vu une mer d'huile et une montagne en neige. J'ai vu le papier peint orange et la table design en formica de la cuisine chez ma grand-mère ; des bougies toujours à portée de main chez mon oncle et ma tante. J'ai vu mes neveux en espérant qu'ils ne m'oublient pas entre deux séjours.

J'ai vu un graffiti sur les berges du fleuve de la ville le jour de mon départ: Byerouth.

En partant de Roissy-CDG, dans le taxi me ramenant dans mon quartier de Paname, j'ai vu le cèdre bicentenaire adossé aux rails du RER B.


Et tout m'est revenu en vrac.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Salut Habibi!... Ce soir,j'ai ouvert ton blog... Il y a long temps que je ne l'ai pas fait!... C'est un beaume ,un parfum!.. A travers Toi ,j'ai vu differemment Beyrouth!???.. Je l'ai revue avec mes yeux contemplatifs de l'Expatriee d'avant & la nostalgie de ce " Bon vieux temps"... Car , lorsque tu rentres au pays, pour de Bon!il faut te deshabiller ,c.a d.,oter toutes tes impressions d'avant!!!... Mais , je suis une Optimiste et romantique ,alors j'ai endosse mon ancien costume de d'expat,et l'admire a nouveau....
Continue!!! ...Ecris!!!... Ca fait tres grand plaisir de te
lire...de plus tu Fais rever... Bisous JP,Habibi. Ta Mum.

Anonyme a dit…

Bravo JP, toujours aussi bien écrit! Ton admiratrice secrète...